Satipatthana la voie du bonheur

Publié le par Langlais Pierre

Extrait du livre : "Satipatthâna la voie du bonheur" de Robert Kientz.
Téléchargeable sur : http://dhammadana.org/livres.htm#ch----11



"J’étais atteint d’une maladie nerveuse qui empirait avec les années. Les

divers traitements que j’avais essayés ne laissaient entrevoir aucun

espoir de guérison. Les attaques devenaient plus violentes et plus

fréquentes. Après les attaques, la douleur subsistait. J’étais affecté de

tremblements, je ressentais une immense fatigue, j’avais perdu

complètement l’appétit. Seule, la prière aidait à soulager le désespoir et

le découragement profonds qui s’étaient emparés de moi.

Puis une amie m’appela au téléphone ; «  Il y a en ville un moine

bouddhiste qui donne une conférence sur la souffrance et le moyen de

faire cesser la souffrance. »  me dit-elle. «  J’ai pensé qu’étant donné votre

état, cela vous intéresserait d’aller l’écouter. Je passe tout de suite vous

prendre avec ma voiture. Tâchez d’être prêt. »  Elle raccrocha.

J’allais la remercier de m’avoir appelé et refuser poliment, mais elle ne

m’en laissa pas le temps. Sa manière brusque m’avait contrarié. En outre

l’idée même d’assister à une conférence donnée par un moine

bouddhiste me faisait un peu peur. J’étais catholique et incapable de

prendre en considération une religion autre que la mienne, le

Bouddhisme moins que tout autre. Mais mon amie arrivait, débordante

de jeunesse, de joie de vivre et d’optimisme, belle et élégante, comme

toujours : plaisant contraste avec ma morne existence. Ma résistance

fondit et je me disposai à sortir.

Nous arrivâmes tôt mais nous eûmes, néanmoins, de la difficulté à

trouver deux places côte à côte tant l’assistance était nombreuse. Le

moine bouddhiste s’avança sur la scène, et je fus impressionné par

l’harmonie de ses mouvements. Il se tint immobile quelques instants,

face au public, sans dire un mot. Il joignit ses mains aux longs doigts,

comme pour prier, et ferma les yeux. Puis il laissa tomber ses mains,

rouvrit les yeux et dit : «  Le sujet de la conférence de ce soir est la

douleur et le moyen de faire cesser la douleur. » Il sourit. Bien qu’il

parlât de la douleur, son visage gardait une expression enjouée. Il

s’exprimait distinctement et avec lenteur, sa voix était vibrante et grave.

Dans sa longue robe safran, il paraissait plus grand qu’il n’était en

réalité. L’éclat brillant de ses grands yeux noisette faisait ressortir la

teinte cuivrée de sa figure. Sa tête rasée révélait le haut de son crâne qui

ressemblait à une calotte.

Pour la première fois de ma vie, j’écoutai exposer les fondements de la

doctrine bouddhiste : comment renoncer au mal, comment pratiquer le

bien, comment purifier l’esprit. Ainsi je pouvais me libérer de mes

souffrances et de mes peines, je pouvais connaître le vrai bonheur et la

vraie paix ici-bas et dans l’au-delà.

Le moine expliqua les lois qui régissent l’univers telles que le Bouddha

les a enseignées. Une action entraîne une réaction. Tout effet a une

cause. Ceci s’applique non seulement au domaine des causes physiques,

comment le démontrent nos savants aujourd’hui, mais aussi au domaine

de la morale. Chacun de nous est responsable de ce qui lui arrive. Nos

actes -  kamma en pali ; Karma en sanscrit - déclenchent des résultats.

Nous naissons riches ou pauvres, beaux ou laids, et ce, en raison de nos

actions passées. Il n’existe pas de législateur divin qui juge de nos

actions ou qui décide des récompenses et des punitions. Le Bouddha n’a

pas proposé de théorie philosophique. Il s’agit d’une loi naturelle.

Chacun peut en vérifier le bien-fondé par lui-même.

 

Le Bouddha a expliqué que notre souffrance résulte d’actions passées

erronées, ou, plus exactement, nuisibles. Ces actions ont pu être d’ordre

mental, verbal ou physique. Chaque homme ou chaque femme est le

propre artisan de sa souffrance. Chacun de nous est lié par le résultat de

ses actes et en subit éventuellement les conséquences, plaisantes ou

déplaisantes, dans cette vie ou dans une autre.

Le corps humain détient tous les éléments qui sont à l’origine de notre

souffrance. Dans le corps humain se trouve aussi la solution de notre

problème. C’est ici que se cache le monde de la souffrance, dans notre

corps. Si nous faisons usage de notre libre arbitre en choisissant des

actions bonnes, justes, et en évitant des actions mauvaises, nous

pouvons mettre un terme à notre souffrance. Notre plus grand ennemi

est l’ignorance, l’ignorance qui reste inaccessible à l’intellect puisque le

mental fonctionne sous l’influence de cette ignorance.

Le Bouddha a enseigné comment par la méditation nous pouvons sortir

de notre ignorance. La méditation bouddhique est un entraînement

systématique de l’esprit qui mène à la purification de celui-ci. Cette

méthode révélée par le Bouddha il y a quelque 2 500 ans est toujours

enseignée dans certains centres d’Orient.

 

Le moine conclut son exposé en spécifiant qu’il nous avait indiqué

quelques uns des jalons marquant la voie vers le bonheur et vers la paix,

mais que nous ne devions pas confondre jalons et destination.

«  Puissiez-vous tous vivre dans le bonheur et dans la paix ! », dit-il.

J’étais médusé. Je n’avais de ma vie entendu quelque chose d’aussi

encourageant. Le Bouddha n’était pas une sorte d’Entité vivant là-haut

dans les cieux. On ne me demandait pas de croire ou d’avoir foi en lui.

Le moine n’avait même pas parlé de prier le Bouddha. On me disait de

ne dépendre que de moi-même. Le Bouddha avait montré la voie, mais il

ne pouvait pas faire le travail à ma place.

 

La méditation bouddhique, la méditation bouddhique, il fallait que j’en

sache davantage sur la méditation bouddhique. Je sentais que la

solution à mon problème se trouvait là. La loi universelle de cause à effet

fut pour moi une révélation. L’élément de justice que cette loi impliquait me

redonna espoir. Je tenais dans mes mains la possibilité d’une existence

nouvelle et d’un nouvel avenir. Tout dépendait de moi. «  On ne peut

attendre de Dieu qu’il garde les chevaux dans le pré lorsque la barrière

est brisée », disait un vieux paysan alsacien qui réparait la barrière de

son champ au prêtre qui passait par là.

 

Avec lenteur, je me levai péniblement de mon siège pour aller saluer le

moine. Je lui parlai de ma souffrance. Il m’écouta avec attention puis il

me suggéra de commencer aussitôt la pratique de la méditation. Sans

que j’ai eu à le lui demander, il me décrivit les premiers pas à suivre : je

devrai me lever à l’aube, tous les matins, m’asseoir sur une chaise face à

l’est, le plus confortablement possible. Ensuite, je devrai diriger mon

attention sur la pointe de mon nez en observant le va-et-vient de l’air

dans mes narines. Je ne devrai pas perturber le rythme naturel de la

respiration du corps. La respiration était simplement l’objet de ma

concentration. Compter mes respirations pouvait m’aider si l’attention

se relâchait.

C’était tout.

 

Je n’en crus pas mes oreilles. Parlait-il sérieusement ? Je lui demandai

de répéter ses instructions. Il m’indiqua la même procédure. Comment

cela était-il possible ? Pensai-je. J’avais toujours cru que la méditation

était quelque chose de spirituel, de religieux. Se concentrer sur la

respiration à la pointe de son nez n’avait vraiment rien de spirituel.

Comment un exercice aussi enfantin pouvait-il entraîner la cessation de

la douleur ? J’étais extrêmement déçu. Tout le bel enthousiasme que

j’avais ressenti au cours de l’exposé s’évanouit. Je fis semblant d’avoir

compris les instructions, je remerciai le moine et je partis ? Chez moi, la

nuit, je me sentis plus déprimé et plus découragé que jamais.

 

Le lendemain matin, à mon grand étonnement, je m’éveillai à l’aube ! Je

N’avais jamais été un lève-tôt même avant de tomber malade. Malgré la

douleur dans mon dos, je sortis du lit, me demandant bien ce qui me

faisait agir ainsi. J’installai des oreillers moelleux dans un fauteuil

confortable et je m’assis face à l’est. Je fermai les yeux et me concentrai

sur la respiration à la pointe de mon nez. J’étais convaincu qu’il ne

sortirait rien de tout cela.

Je sentis distinctement sur les muqueuses l’air frais du matin qui

pénétrait dans mes narines... dehors... dedans... dehors... Je m’aperçus

soudain que je dormais éveillé. Beaucoup de temps s’était écoulé. À un

moment donné mes pensées vagabondes s’étaient emparées de mon

esprit. J’avais complètement oublié ce que j’étais en train de faire. Je me

rappelais clairement les trois ou quatre premières respirations, mais à

partir de là, j’étais resté longtemps tout à fait inconscient. Je ne gardais

aucun souvenir du temps qui s’était passé. Est-ce que j’avais dormi ?

Non, de cela j’étais sûr. C’était vraiment étrange.

 

Incroyable. J’avais toujours cru que c’était moi qui dirigeais mes pensées

lorsque j’étais éveillé. Je découvris pourtant qu’elles surgissaient dans

mon esprit de leur propre chef, contre ma volonté même, comme des

rêves pendant mon sommeil. Je décidai d’essayer de nouveau. Cette fois,

je ne me laisserai pas distraire de la pointe de mon nez. Je voulais être

pleinement conscient de la respiration. Malgré ma ferme résolution, je

voguai encore dans un océan de pensées. J’étais abasourdi. Je consultai

ma montre : 4 h 15. J’étais assis depuis quinze minutes. La douleur dans

mon dos était lancinante et je dus me recoucher. Je ne réussis pas à

trouver le sommeil. Je pensai au moine et je fus honteux du jugement

irrévérencieux que j’avais porté sur lui la nuit dernière. Ses directives

n’étaient pas aussi faciles à suivre que je l’aurai cru. Je n’avais aucun

contrôle sur mon esprit agité. Je n’en n’avais pas eu conscience jusqu’à

ce jour. Le souvenir d’un homme que je connaissais et qui était affligé

d’un tic nerveux, incontrôlable de la tête, me revint en mémoire. C’était

un horrible spectacle. Je réalisai alors qu’en ce qui concernait mes

pensées, une absence de contrôle comparable à la sienne existait dans

mon esprit. C’est peut-être lorsque le mental échappe à notre contrôle

que la folie se manifeste. Je crois que c’est cette pensée désagréable qui

m’aiguillonna. En tout cas, le lendemain matin, j’étais à nouveau dans

mon fauteuil. Et le matin suivant. Ainsi pendant une semaine environ,

jusqu’à ce que j’enregistre quelque progrès sensible."

 

(…)

Publié dans Extraits de livres

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