Historique des écoles Bouddhistes.

Publié le par Pierre Langlais

 

Voici un texte de Dominique Trotignon, professeur à l'université Bouddhique Européenne. Il répond à quelqu'un demandant la différence entre Hihayana et Mahayana, notamment concernant la vacuité. C'est très instructif.

 


"Quand le Mahâyâna a commencé à émerger, au début de l'ère chrétienne, il existait quatre grands courants dans le bouddhisme, répartis en au moins 18 écoles. Un de ces courants du bouddhisme ancien était particulièrement "puissant" dans l'Inde du Nord, car soutenu par le monarque le plus important de l'époque, l'empereur Kanishka : c'est l'école des Sarvâstivâdin, dont le nom signifie "qui affirment que tout existe" et qu'on appelle aussi les "pan-réalistes".En revanche, l'école du Sthaviravâda (la "Voie des Anciens") - celle qui va devenir, à Ceylan, le Theravâda... - après avoir été puissante sous l'empereur Asoka, trois siècles plus tôt, n'était plus que très peu représentée à cette époque, essentiellement dans une région située sur la côte ouest de l'Inde, l'Avanti, et dans le sud de l'Inde, près de Ceylan. C'est-à-dire très loin des grands centres bouddhistes de l'inde du Nord où vont avoir lieu les débats entre Mahâyânistes et Sarvâstivâdin...
Or... les Sarvâstivâdin, s'ils admettaient la vacuité du Soi, affirmaient en même temps que les phénomènes "extérieurs", les phénomènes du monde, sont composés d'éléments (les dharma) qui, eux, existent réellement et ultimement (d'où le nom de l'école...), que seuls les ensembles produits par leur composition seraient "vides d'existence en soi" et impermanents. Ils affirment donc la vacuité du Soi mais non celle des composés ultimes des phénomènes.
Ce sont les Sarvâstivâdin que les Mahâyânistes critiquent quand ils parlent du Hînayâna... pas les Sthaviravâdin-Theravâdin, avec lesquels ils étaient d'accord sur ce point !!

En ce qui concerne samsâra et nirvâna, effectivement, les écoles anciennes -comme le Theravâda - les opposent strictement : soit on vit dans l'appréhension de phénomènes composés, transitoires, conditionnés, auxquels on peut s'identifier et s'attacher - et l'on est alors dans le samsâra - soit on expérimente le non-conditionné, le non-impermanent, le non-composé - le nirvâna- et il n'y a plus rien à quoi s'identifier ou s'approprier.
Pour le Mahâyâna, expérimenter le nirvâna devient synonyme de "expérimenter la non-réalité ultime" des phénomènes conditionnés ; le nirvâna n'est plus considéré comme "une réalité autre", mais comme "un autre aspect" de la réalité conditionnée, sa nature réelle, celle qui apparaît au-delà de nos constructions mentales.
C'est-à-dire que le terme même de nirvâna a changé de sens, ou au moins d'emploi...
Mais, là encore, cette nuance est surtout importante vis-à-vis de l'école qui affirme que "tout existe ultimement", donc vis-à-vis des Sarvâstivâdin !

Cette opposition entre Hinayâna et Mahâyâna - parfois très polémique - est relayée aujourd'hui en Occident, surtout, par les écoles tibétaines, qui perpétuent ainsi l'enseignement qu'elles ont reçu de l'Inde du Nord. Dans l'enseignement de ces écoles tibétaines, quand elles évoquent le bouddhisme ancien, on ne parle seulement que de deux des dix-huit écoles anciennes : les Sarvâstivâdin et les Sautrantika (qui sont une sous-école dissidente des Sarvâstivâdin).
Mais les Sarvâstivâdin et les Sautrantika ont disparu... et, des quatre grands courants du bouddhisme ancien, seul le Theravâda a perduré. Du coup - par manque de connaissances historiques... - on a appliqué aux Theravâdin les critiques qui étaient adressées aux seuls Sarvâstivâdin !
En fait, les écoles tibétaines n'ont jamais connu le Theravâda et ignore tout de lui... sauf depuis quelques décennies, depuis qu'elles l'ont "découvert", grâce à l'Occident !!"

Bien amicalement
Dominique Trotignon

http://www.bouddhisme-universite.org/

 


 

 

Publié dans Histoire

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