Retraite en Birmanie -2eme partie.

Publié le par Langlais Pierre




Un nouveau cycle : Entre fantasmagorie et recherche de conviction.

 

Au septième jour, et aux vues des changements d’état d’esprit qui s’opèrent en moi, je réalise l’importance de l’équanimité. Je me dis que garder le tempérament avec équanimité du matin jusqu’au soir est une garantie de stabilité. Cependant il s’agit d’une compréhension intellectuelle, et non d’un état définitif dont j’aurais pu hériter. 

Durant l’assise précédent le repas de 10 h 30, ce que j’observe est étonnant. Rien. Ou plutôt derrière la respiration, s’ouvre un espace vide dans lequel l’observation pénètre. C’est une dimension essentiellement sombre où plus rien n’est solide, une « vision » de la vacuité, auxquelles s’ajoutent quelques éléments présents qui seraient des êtres vivants, quelques formes qui seraient des caractéristiques. La respiration m’apparaît comme un simple mouvement de vent. A ce moment, quand même, je me pose cette question : « D’où me vient cette vision ? Ne serait-ce pas un effet des médicaments ? » Je continue cette observation qui s’impose à moi.

J’oriente alors le mental vers des questionnements, comme par exemple le changement qui survient lors de la mort. Il m’apparaît clairement comme un processus naturel de dissolution et de transformation, qui vue sous cet angle n’est ni tragique ni important, sans plus de conséquence. Mais à partir d’ici les choses que j’entrevois ne sont pas assez fiables pour être décrite d’une façon crédible (!). Néanmoins, cette vision dans laquelle les éléments présents ont une réalité nouvelle permet de relativiser l’existence du monde, et m’apporte un grand détachement, bénéfique à ce moment de la pratique. 

Ce que me rappellent les « dhamma talk » durant ces jours, est qu’il ne devrait y avoir aucun attachement. C’est surtout un résultat de la pratique, mais j’en viens à voir dans le but de la retraite –nibbanâ- une réalisation qui s’opposerait au bon déroulement de ma vie familiale. Confus, et focalisant sur cet attachement qui s’impose à moi (c’est-à-dire ma femme et mon fils), je souhaite conserver, dans mon ignorance, telle quel mon affection. Je dois alors trouver mentalement un moyen de me tranquilliser. Je me soumets à des accords qui me permettront de continuer plus sereinement la suite de la retraite. Ils sont :

- Je ne connaîtrais pas nibbanâ durant cette retraite.

- Je peux par contre développer le calme mental et la connaissance.

- Ce développement me permettra de mieux vivre et apportera du bonheur à ma famille.

Au moment critique de la fin d’après-midi, je suis prêt. J’arrive à contrôler la tension qui se présente, j’observe, et note ce qui se passe sans y sombrer. Ensuite la pratique s’avère difficile en assise. J’observe quelques attachements, agitations, perturbations. Un esprit qui a du mal à rester centré et encore lève les yeux, sur les alentours...

 

Huitième jour. L’assise du matin est bonne, physiquement parlant car la concentration n’est pas effective et de nombreuses pensées passent à travers le filtre de l’observation.

A défaut d’interview relative à ma retraite avec Sayadaw, (car à la suite d’une méprise et de l’absence de Sayadaw, je n’en ai encore pas eu), j’ai un rendez-vous quotidien avec les explications précieuses du dhamma talk - discours enregistrés mais sur lesquels je peux compter. Les paroles de Sayadaw sont des supports utiles qui souvent, répondent au moment opportun aux questions que le yogi se pose.

Le discours traite en ce jour des facultés mentales, celles que l’on utilise pendant la méditation, à savoir : Saddha –la foi, panna –la connaissance -compréhension directe, viriya –l’effort, samadhi –la concentration, et sati –l’attention. Voici le secret : Elles doivent être équilibrées pour que la pratique soit profitable. Sans cet équilibre le méditant ne progresse que difficilement. Saddha et panna (la foi et la connaissance) doivent être équilibrés. Viriya et samadhi (l’effort et la concentration) doivent être équilibrés. Sati (l’attention) doit être développée autant que possible. Trop de saddha et l’on sombre dans la crédulité, trop de panna et l’on tombe dans l’analyse, trop de viriya et nous arrive la distraction, trop de samadhi et on se retrouve dans la somnolence.

Je me rends immédiatement compte des déséquilibres qui sont survenus durant ma pratique et ceux qui demeurent encore. Le principal est celui entre saddha et panna : Je suis en excès de panna (si l’on peut s’exprimer ainsi !)

 Je réalise que ma foi est défaillante, l’analyse, la réflexion et la ruse perturbent ma pratique ! Ainsi si j’avais entièrement confiance en la méthode que Bouddha nous a enseigné, je me contenterais d’être attentif durant la pratique, sans analyser régulièrement. Il me faut croire et développer la confiance dans Bouddha et la doctrine. Mais comment trouver la foi ?! ()

Chaque jour, nous rendons hommage au Bouddha, au Dhamma et au Sangha. Avant et après chaque méditation assise, et avant et après chaque repas, des dizaines de fois par jour donc, en joignant les mains au front et en s’inclinant trois fois front au sol. Avec sincérité (-et metta), je le fais, mais ce n’est pas assez.

Suite à cette découverte, ma motivation est très forte. En début d’après-midi, je combats le sommeil par des notes énergiques : « sommeil, sommeil ! » Et j’en viens à bout. Je m’interroge ensuite sur la foi. Je connais ce sentiment, mais j’en suis actuellement dépourvu. Pour faire surgir saddha je médite sur metta (l’amour bienveillant). Je passe mentalement en revue un grand nombre de personnes que je connais, en générant et en leur délivrant metta. Puis dans chaque direction, dans toutes les directions, metta pour tous les êtres. Cette méditation dure près d’une demi-heure, et ma foi s’éveille. La foi s’éveillant, l’émotion m’envahit et j’en viens à me questionner et à me parler à moi-même. J’entre dans un conte de fée, et je n’en dirais pas plus au lecteur : En reprenant la « vision du vide » précédemment décrite, j’aperçois le Bouddha comme multicolore et rayonnant dans ce monde sombre. J’entrevois peut être combien il est unique, et la foi se manifestant, je lui rends hommage avec ardeur.

Un peu plus tard, me voilà encore lancé dans une pratique qui n’est pas l’unique observation des phénomènes mentaux et physiques, une méditation d’absorption. La note mentale « pensées » me sert à neutraliser les pensées, et mon esprit se fixe sur des états temporairement stables et silencieux. Ma respiration est fluide, « transparente », il n’y a pas de temps, c’est très apaisant.

Ai-je noté ceci ?


 


 


 


 


 


Voir la suite du récit  :  Retraite en Birmanie - 3eme Partie.

 







 

Publié dans Vipassana

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