Retraite en Birmanie -3eme partie.
Aller au début du récit : Retraite en Birmanie -1ere Partie.
Renouer avec le Dhamma.
En ce matin de neuvième jour, les pensées passent la frontière de l’observation. A 13 h je vais écouter le dhamma talk.
Après avoir expliqué comment nous devrions nous comporter face aux événements extérieurs pour ne pas s’y attacher et les désirer (par des notes mentales appropriés), Sayadaw parle des caractéristiques des phénomènes physiques. (A partir des 4 éléments –Air, terre, eau, feu- nous trouvons les caractéristiques spécifiques et communes aux processus physiques : Le mouvement et la vibration pour l’air, la dureté et la douceur pour la terre, la fluidité et la cohésion pour l’eau, la chaleur et le froid pour le feu.)
A la fin du discours, quelque chose en moi se produit. Je réalise -avec la sensation du toucher- qu’une partie de mon corps n’est effectivement que « dure », et qu’à la fois une autre n’est que « douce » -caractéristiques de l’élément terre. Les phénomènes physiques, incluant nous-mêmes, ne sont que la manifestation des caractéristiques des quatre éléments. Et sur celles-ci viennent se greffer un mental, une conscience… Je souris de cette découverte, il n’y a donc rien d’autre que ces caractéristiques !
Je continue la pratique. Mon bonheur est tempéré, mais réel. Je note « dur, dur » lorsque mes pieds rencontre le sol, « mouvement » lorsque j’observe la respiration, « chaleur » pour ce que je ressens dans le dos.
Plus tard dans la journée, une impatience étrange me pousse vers l’accueil du centre. Je vais d’abord appeler ma femme pour lui dire que je vais mieux. Et comme par hasard, le moine U sujatâ que je voulais voir se trouve là. C’est lui qui m’avait reçu lorsque je m’étais présenté au centre pour la première fois. Nous parlons, je l’interroge sur les chants que nous entendons tous les jours. Il me dit que ce sont des chants à la fois de protection, d’instructions, d’incitation, et d’explications de la doctrine. Ils sont récités par les yogis locaux. Je lui propose alors de l’interviewer en vidéo le lendemain, il sourit et il accepte.
Ce dixième jour est mon dernier jour, et l’observation du matin se déroule bien. En cette matinée je vais enfin être reçu par Sayadaw pour un entretien. Plusieurs yogis se présentent à lui à la fois, et à tour de rôle il nous écoute parler de notre expérience de la pratique. Je l’entends faire avec celui et celle qui me précède. Je sais bien ce qu’il va dire, et ce qu’il répète inlassablement à chacun, quoi qu’on lui dise, quoi que je lui dise. Cet être est véritablement détaché de tout, il véhicule le Dhamma. J’hésite entre ne rien lui dire (et simplement lui demander une lettre de recommandation pour une prochaine retraite) et lui raconter mes expériences. Il me questionne. Je lui raconte brièvement quelques trucs concernant les quelques jours passé ici. Puis le verdict arrive soudainement : « Observer. » « Observer du matin au soir, durant la marche, durant l’assise, durant les activités quotidiennes, durant le repas, durant la douche, durant l’habillement… »
Et je lui annonce que c’est mon dernier jour. Il me demande combien de temps j’ai pu rester assis sans changer de posture. « 1h 15 » Je lui réponds. « C’est très bien. » Me dit-il. « Et dukkha ? » Me demande t-il. « Oui, je l’ai observé. » « Pain, pain, pain*… » Dis-je. (*Pain en anglais = douleur). Il me demande d’où je viens. C’est une attention plaisante, et c’est déjà fini. Je quitte le lieu après lui avoir rendu un profond hommage. Mais je serai amené à le rencontrer encore deux fois.
A 12h 30, je rencontre U Sujatâ. Nous nous installons dans la pièce libre des dhamma talk. J’ai 5 questions à lui soumettre avec la caméra comme témoin. Il me parle notamment de sa rencontre avec le Dhamma. Une fois la caméra éteinte, nous poursuivons la conversation jusque dans l’après-midi. Je retourne dans le bâtiment des yogis étrangers, mais les choses sont différentes maintenant. Je me ballade avec du matériel vidéo.
Le soir je retrouve U Sujatâ, et nous discutons encore, enfin cette fois là, je l’écoute beaucoup. Le lendemain matin j’ai prévu d’aller filmer les récitations en pali. Je suis réconcilié avec le Dhamma.
Le Onzième jour est un jour bonus. Après le petit déjeuner et la séance vidéo, je pars pour « downtown » car j’ai des choses à faire. C’est ma dernière journée en Birmanie, et je dois aussi me rendre à la Paya Swedagon, la plus grande et la plus vénérée du pays. En effet, l’atmosphère dans ce lieu est magique, électrique, emplie d’une paix mouvante. J’entends des chants de récitation, ceux là même que je connais, récités avec encore plus de dévotion, et ils me touchent et m’attirent au plus profond. Au départ, je prends quelques photos et filme l’endroit, mais quelque chose en moi reste inassouvis et il m’est impératif de me relier à cette foi. Je me rends face à l’Est et rends hommage parmi les fidèles à Bouddha. Je suis hors du centre, lâché dans le monde extérieur, rendant hommage au triple joyau, les mains tremblantes, le cœur bienheureux et rempli de gratitude. Je crois que j’ai finalement trouvé saddha.
-Le refuge est un lieu sûr-.
« Buddham Saranam Gacchami »
« Dans le Bouddha je prends refuge »
« Dhammam Saranam Gacchami »
« Dans le Dhamma je prends refuge »
« Sangham Saranam Gacchami »
« Dans le Sangha je prends refuge. »
« Namo Tassa Bhagavato Arahato Sammâsambuddhassa. »
« Hommage au Bienheureux, au Noble, pleinement éveillé. »
Le couloir des chambres des Yogis et Bhikkhu étrangers.