recit de retraite Vipassana -4

Publié le par Langlais Pierre

Chaque méditation de groupe commence à peu près par ces instructions : « Start with a calm and quiet mind, an alert and attentive mind. With perfect equanimity, perfect equanimity, just observe, in the understanding of anicca, anicca... » = « Commencez avec l’esprit (ou le mental) calme et silencieux, en alerte et attentif. Avec une équanimité parfaite, observez juste, dans la compréhension d’anicca, anicca... » Or, il y a une traduction japonaise, et ils utilisent « shizuka na kokoro de hajimaru... » ce qui signifie : « Commencez avec un coeur calme ».

Esprit, mental, coeur, ces notions diffèrent peut être selon le pays mais le coeur n’a pas la même place, à première vue, que le mental. Cela me rappelle ce qu’il est dit en introduction du « Dhammapada » (traduit par le Centre d’études dharmiques de Gretz) :

« Citta, faussement traduit par « pensée » ou « esprit », est exactement le « coeur » ; coeur psychologique, (...) Le citta peut être défini comme le « centre » d’un triple impact psychologique :

- l’impact des pulsions subconscientes (les asrava, ou « purulences »), 

- l’impact des activités du système nerveux (principalement les activités dites

supérieures, intellectuelles, du vijñana), 

- l’impact de la Connaissance transcendante, la Prajña. (Pañña en Pali) 

Lorsque les deux premiers impacts sont arrêtés, le citta est immobile, reste la Connaissance transcendante, totale. »    

            De même dans le discours du soir il est question des quatre parties de l’esprit. D’abord on trouve viñana la partie qui connait (la conscience), puis il y a saña, la partie qui reconnait, vedana la partie qui ressent, et sankhara, la partie qui réagit. Cela correspond à nama, les quatre compartiments de l’esprit, et avec rupa, la forme, ou la matière ce sont les cinq agrégats d’attachement. Or les cinq agréagats d’attachement sont eux-mêmes “sankhara”, états conditionnés. Dans les sankhara, on trouve toutes les actions liées à la volonté, tous ces actes volitionnels bons, mauvais ou neutres, représentent le kamma. Il est dit dans “L’enseignement du Bouddha” de Walpola Rahula : “Noter que les états spirituels et mystiques, aussi purs et élevés qu’ils peuvent être, sont des créations mentales, conditionnés et composés (samkhara). Ils ne sont pas la Réalité, le Vérité (sacca).” Les sankhara ne sont pas la Réalité, ce pour quoi nous réagissons n’est pas la réalité, c’est une fabrication mentale.

Ainsi toujours dans le commentaire du “Dhammapada” : “Toute action, parole ou mentation, consciente, acceptée, motivée, intentionnelle, est cause d’imprégnations : les samskara (littéralement “faits avec et faisant avec”). La combinaison, la somme de ces samskara forme le karma des existences (karma = substantif de karoti “il fait”, meme racine que samskara) et ce karma, à la mort suscite une nouvelle combinaison par “animation” d’un ovule fécondé.”

             Malgré les différentes orthographes du mot, tous s’accordent pour dire que les sankhara sont la clé du problème. La troisième des divisions de Ariya-attangika-magga (Noble Octuple sentier), pañña vise à rétablir ce problème. La conscience (viñana) doit reprendre le dessus. Il est dit que les sankhara ont pour caractéristique de se multiplier, tel un arbre qui libère des fruits contenant des milliers de graines, qui elles mêmes produisent d’autres arbres produisant d’autres fruits. L’esprit au niveau le plus profond multiplie les sankhara. Nous sommes complètement habitués (conditionnés) à réagir à chaque chose que nous reconnaissons, et ressentons par “j”aime”, “je n’aime pas”, ou “cela m’est indifferent”. A chaque instant il nous faut produire un sankhara, alors seulement apparaît le moment suivant de conscience. Le flot mental est sans cesse nourrit par nous mêmes, l’esprit toujours dans les pensées, les réactions, les créations mentales, l’espoir pour le futur, le regret pour le passé ; ainsi les sankhara sont des graines d’actions de souffrance, ils multiplient notre misère. Nous leur offrons un terrain fertile, nous alimentons sans arrêt le foyer.

 

            Deux processus existent avec les sankhara : La multiplication ou l’éradication, le conditionnement ou le déconditionnement, l’ignorance ou la libération. Si nous arrêtons d’alimenter le foyer, alors petit à petit le feu s’éteindra, il deviendra braise, la braise se refroidira, et elle deviendra cendre, le feu n’existe plus, ceci est le nibbana.

Les sankhara sont comme le corps physique, si l’on arrête de le nourrir, il va finir par s’épuiser, néanmoins il vivra sur ses réserves pendant plusieurs mois. Les sankhara possèdent des réserves, un stock qui continuera de s’écouler lorsque le processus d’arrêt de production est enclenché. Cependant, le feu s’éteind si on ne l’alimente plus, c’est la Loi naturelle.

 

Pour arrêter de réagir, pour changer les mécanismes habituels de l’inconscient, au niveau le plus profond, il faut observer les sensations. En restant équanime face à toutes les sensations nous purifions l’esprit. Les impuretés mentales sont la cause directe des sensations physiques. En observant les sensations, en demeurant le plus équanime possible, en ne réagissant pas face aux sensations agréables ou désagréables, les impuretés mentales s’effacent. Le processus commence dès que l’on stoppe les sankhara. Pour stopper les sankhara, je pense, pañña doit être expérimentée profondément.

 

 

 

        Le sixième jour est un jour très important. Le travail de purification de l’esprit commence réellement lorsque la concentration mentale est établie (Samadhi). En observant les sensations les plus subtiles, les sankhara se manifestent. Le niveau le plus profond de l’esprit est en relation permanente avec les sensations, l’esprit et la matière sont connectés. Il faut aller plus profond que le niveau superficiel, de surface, passer au delà des sensations grossières. Au niveau intellectuel nous pouvons comprendre, mais c’est tout, cela ne changera pas nos actions, nos habitudes, cela ne nous empêchera pas de multiplier les volitions mentales. Vipassana, est un travail au plus profond de l’esprit, et selon S.N. Goenka, Bouddha n’enseigna que cela, pour purifier son esprit : S’asseoir, porter son attention sur sa respiration et observer les sensations.

En ce qui me concerne, après deux heures d’assise, je vais marcher pour maintenir l’énergie de mon corps et de mon esprit. Je marche le plus lentement possible dans le couloir ou dans le jardin. Ce sixième jour, les sensations grossières et douloureuses sont présentes. Je les observe, entres autres sensations subtiles présentent dans tout le corps, notamment sur le visage ; mais après plusieurs heures d’observation, mon mental commence à se demander comment faire pour arrêter ces douleurs : « Il faut que cela cesse, mais comment ? Je dois avoir la réponse en moi-même... Ces douleurs ce sont les impuretés mentales, les principales impuretés proviennent des désirs. Le désir dépend des sensations, qui dépendent du contact... » L’esprit aide aux opérations en raisonnant (pour son bien ?)

Commence alors une profonde introspection. S’engage un dialogue interne orchestré par la partie de moi-même la plus sage. (C’est un moyen d’accéder à la sagesse basique que de donner la priorité à notre « guide intérieur », celui qui sait, au plus profond ce qui est juste ou non). Mais la partie superficielle de mon esprit, (le citta des pulsions subconscientes) ne se laisse pas faire. « Le sage » doit lui parler comme à un enfant, (« c’est » un enfant qui a pris le contrôle) ; il est au pied du mur dans une position très précaire à présent, alors il écoute. La partie sage de moi-même tente d’expliquer ce que représente réellement la vie dans son ensemble, que mon être dans son ensemble n’est ni éternel, ni tout puissant, qu’il va disparaître, qu’il possède trop de désirs, qu’il produit trop de souffrances. « Grâce » à la douleur ressentie durant les méditations, « la personne enfant » conscent à se débarraser des désirs les plus visibles. Et petit à petit, elle consent à s’unir à la partie sage, elle consent a lui laisser le contrôle... enfin ! Retranchée et observée, cette partie de moi-même libérait tout son flot de purulences, il était impossible de maintenir la concentration et l'attention juste ; il était temps qu’elle disparaisse.

J’espère ne pas vous avoir rendu schizophrène, je me suis cru fou aussi ! Les impuretés mentales sont tellement présente en nous.

Quelles sont elles... Je les rappelle pour tous :

 

« La cupidité et le désir sont des impuretés de l’esprit ; la méchanceté est une impureté de l’esprit ; la colère est une impureté de l’esprit ; la malveillance est une impureté de l’esprit ; l’hypocrisie est une impureté de l’esprit ; le dénigrement est une impureté de l’esprit ; la tromperie est une impureté de l’esprit ; la ruse est une impureté de l’esprit ; l’obstination est une impureté de l’esprit ; l’impétuosité est une impureté de l’esprit ; la présomption est une impureté de l’esprit ; l’arrogance est une impureté de l’esprit ; la suffisance est une impureté de l’esprit ; la négligence est une impureté de l’esprit. »

(Vatthupama-Sutta)

A suivre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans Vipassana

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C
merci pour ce journal de bord.tu décrit fabuleusement bien,on a l'impression d'y etre avec toi.Pour quelqu'un qui ne connait rien a tout cela.Cela me déroute un peu mais c'est tres interessant.
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