recit de retraite Vipassana -3

Publié le par Langlais Pierre

 

 

 

 

 

 

 

 

Metta/Dukkha  -  Samadhi  -  Anatta/Dukkha/Anicca

 

Les quatrième, cinquième, et sixième jours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        Le matin du quatrième jour durant une méditation, je regarde l’assistante de l’instructeur, assise du côté des anciens élèves, les yeux fermés, en pleine concentration. Elle rayonne d’une force incroyable. Elle est en cet instant une guerrière de l’esprit, de son visage et de son corps se dégagent sérénité, beauté et harmonie. Puis je m’interroge sur cette affection que je développe, sur cet amour spirituel. Je réalise qu’il est absurde de le limiter à une personne, que je ne connais d’ailleurs pas, autant partager cet amour spirituel avec tous. Alors je développe ce même sentiment pour toutes les personnes présentes dans la salle. (Plus tard, dans ma pratique je le partagerai avec tous les êtres.) Ainsi, cette compassion m’aide aussi à vivre plus facilement en communauté, à éviter de juger, à donner sans attendre.

 

 

 

        La technique nous apprend à vivre au présent, chaque fois que notre esprit vagabonde dans le passé ou dans le futur, habitude établie depuis longtemps, il faut le rappeler à l’ordre. C’est un travail à plein temps ! L’après-midi, la technique change, nous passons enfin à la pratique de la « vipassana », selon S.N. Goenka qui nous transmet la tradition de son maître, Sayagyi U Ba Khin. Anapana, que nous avons pratiqué pendant 3 jours, sert à aiguiser l’esprit, grâce à l’attention portée à la respiration, et grâce à l’observation des sensations sur une zone très réduite. Il nous est dit plusieurs fois que ceci est primordial pour pouvoir observer les sensations les plus subtiles, et accéder au plus profond de l’esprit et de la matière. Car nous devons maintenant observer les sensations, toutes les sensations, et ne pas s’arrêter aux sensations les plus visibles. Nous avons travaillé de plusieurs manières, mais c’est par zones et en déplaçant lentement notre attention sur chaque partie du corps que nous débutons. Et surtout, il nous est demandé à partir de maintenant, de prendre comme ferme détermination de rester immobile durant les 3 méditations de groupe qui ont lieu chaque jour. C’est à dire : Garder les yeux fermés, ne pas bouger ni les jambes ni les mains pendant une heure.

 

        Dès le début de l’observation au corps, un flot de douleur s’empare progressivement du mien. Il m’est difficile de ne pas me focaliser sur ce mal. Trente minutes s’écoulent, la douleur physique est maintenant omniprésente dans les jambes et dans le dos. J’ai l’impression que l’on me passe un rouleau compresseur sur les jambes. La joie sympathique du matin est bien loin. A partir de 45 minutes c’est une vraie torture ! (Amis pratiquants entraînez vous !) Ceci, Goenka le sait bien, il enseigne la méditation depuis 35 ans. Dans le discours du soir, il fait référence à ce qu’endurent les méditants : « 30 minutes cela va encore, mais dès 45 minutes, cela devient insurpportable, réellement insupportable, ôôohh comme j’ai mal ! Chaque minutes paraît durer une heure. Il faut arrêter ce supplice ! » Là, au plus fort de la douleur, l’esprit perd pied, il bondit dans tous les sens pour trouver des échappatoires à la souffrance, il libère ses pensées les plus extravagantes, les plus insensées, les plus imprégnées d’impuretés. Et puis c’est la colère, on rage contre cette méthode, on l’injurie. J’observe alors la colère, je sens mon visage qui se décrispe. Enfin, le chant Pali arrive, il annonce la fin de l’heure. Les jambes se déplient et la vie reprend.

 

        Le soir, encore une heure sans bouger, ou presque, l’esprit lui virevolte. A la fin de l’heure, j’ai le corps tout engourdi et quasiment insensible, j’arrive donc à ne plus me soucier de lui, mais l’esprit lui n’est pas encore fiable.

 

 

 

 

Le discours du soir évoque ce que Bouddha a découvert lorsqu’il atteignît l’éveil. Il pénétra l’esprit et la matière jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de les diviser en particules plus petites. Il trouva 8 éléments, au plus profond de la matière. Avec ces éléments on ne pouvait aller plus loin dans la division. Il s’agissait des quatre éléments constituant du corps : L’eau, le feu, l’air et la terre, et surtout de leur quatre caractéristiques : La liaison, la chaleur, le mouvement et la solidité. Ce que nous découvrons petit à petit au travers des sensations ce sont ces éléments, et leurs caractéristiques qui changent sans cesse.

 

 

            Le lendemain cela recommence. Dès 4h30 on s’entraîne à ne pas bouger, à passer outre les sensations les plus grossières, pour préparer l’heure immobile. Notre attention aux sensations change sans arrêt, et je ressens vraiment toutes sortes de sensations très subtiles, indéfinissables. Puis, plein d’appréhension, il faut s’asseoir pour une heure fixe. Chaque mauvais pli du cousin devient une torture au bout d’une demi-heure... Passer outre la souffrance, s’asseoir sur elle. Encore et encore. Dans ces moments là, chaque micro mouvement entraîne une réaction de douleur plus intense, d’où le grand intérêt de ne pas bouger d’un poil. Je m’imagine un pistolet braqué sur mon front et me dit : « Si tu bouges tu es mort... !» Si on a le malheur de dégager un peu le pied engourdi, cela provoque plus de mal qu’autre chose, et on n’arrive plus à se concentrer. On réalise combien l’esprit et le corps sont reliés, combien ils doivent être immobiles tous les deux, pour ne pas influer l’un sur l’autre par des mouvements. Car tout d’un coup, à un moment donné, ça y est. Le miracle s’accomplit, si j’ose dire ! L’esprit et le corps sont calmes. Le corps et l’esprit sont saisis par l’immobilité. Le corps est transcendé, l’esprit est clair, silencieux (temporairement), il ne réagit plus à la douleur (temporairement) ; il observe, il est en mesure d’observer. Je pourrais tout à fait avoir une conversation banale alors que mon corps me fait souffrir. La douleur est secondaire, l’esprit est étrangement calme, il observe.

 

           Le sommeil est aussi « vipassana », le corps est comme « saisi », on est conscient, on dort. J’avais ressenti cette sensation il y a 3 ans, lors des premières nuits après la naissance de mon fils, alors qu’il dormait près de nous.  

 

            Ce qu’il y a d’extraordinaire avec cette méthode, c’est qu’elle permet de voir à quel point l’esprit et la matière sont liés, et comment ils s’influencent et se nourrissent l’un de l’autre en permanence. Ceci est pourtant un phénomène tout à fait ordinaire !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A suivre

Publié dans Vipassana

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