recit de retraite Vipassana -2

Publié le par Langlais Pierre

 

 

 

Néanmoins, après ce premier discours, je me sens confus. On y parle d’opération profonde de l’esprit, telle une opération chirurgicale qui serait opérée par nous même. On y parle de pénétrer au niveau le plus profond de l’esprit et de la matière. Est-ce réellement vipassana ? Le manque de patience m’a fait pratiquer ce que je pense être vipassana, mais pourquoi donc se concentrer sur la respiration ? Pour dissiper ma confusion, je vais, durant le temps imparti aux questions, demander à l’instructeur ce qu’il en est. Cette petite dame, assise en face de nous durant plusieurs heures de la journée, qui supervise les séances, répond à ma question concernant la technique, et me rassure rapidement. « Ce que nous faisons maintenant c’est Anapana (l’attention au souffle). Nous pratiquons Sila et Samadhi, après demain nous commencerons Pañña, c’est à dire vipassana. »

              Cette première nuit je ressens qu’une partie de moi-même commence à réagir, comme un inconscient sur lequel on braquerait une lumière et que l’on ne semble pas (re)connaître ; et cela être le cas aussi pour mes voisins de chambre.  

 

 

 

 

              Le deuxième jour la technique évolue légèrement, il nous faut porter notre attention sur la zone qui est en contact avec avec l’air entrant et sortant des narines. Cette zone devient très sensible, en pratiquant toute la journée. Voici d’ailleurs quel était notre emploi du temps quotidien :

- 4h : Réveil

- 4h30 à 6h30 : Méditation dans la chambre ou dans la salle de méditation.

- 6h30 à 8h : Petit déjeuner et repos.

- 8h à 9h : Méditation de groupe dans la salle de méditation.

- 9h à 11h : Méditation dans la salle ou dans la chambre, selon les instructions de l’enseignant.

- 11h à 13h : Déjeuner et repos.

- 13h à 14h 30 : Méditation dans la salle de méditation ou dans la chambre.

- 14h 30 à 15h 30 : Méditation de groupe dans la salle.

- 15h30 à 17h : Méditation dans la salle ou dans la chambre,
selon les instructions de l'enseignant.

- 17h à 18h : Thé et repos.

- 19h à 20h15 : Conférence de l'enseignant sur support vidéo en anglais et support audio pour les différentes traductions.

- 20h30 à 21h : Méditattion de groupe.

- 21h : Session Questions/réponses dans la salle de meditation

- 21h30 : Repos - Extinction des lumières

 

 

 

Le discours du soir porte sur l’Octuple Noble sentier. Pourquoi est-il Noble, et quel est t’il ?  

Il est Noble car quelle que soit l’origine de la personne, quel que soit le pays d’où il vient, quel que soit son statut social, qu’il soit riche ou pauvre, quel que soit les choses accomplies dans le passé, celui qui marche sur ce chemin devient Noble. Connaissant les huit secteurs répartis en trois catégories (Sila, Samadhi, Pañña), ce qui retient mon attention porte particulièrement sur l’attention juste et la concentration juste. L’attention juste ne se fixe pas dans le passé, elle ne fixe pas dans le futur, elle est dans le présent. La concentration juste est celle qui permet de conserver sa moralité (Sila), un contre exemple est celui du chasseur qui est très concentré pour abattre une proie. Ce soir là, avec cette compréhension, tout devient clair, je suis dans la joie du dhamma. Le Dhamma est la Loi naturelle, la Loi universelle. Une fois, Bouddha rencontra une vieille femme qui lui demande de lui expliquer sa Doctrine très simplement, avec peu de mots, car elle n’est pas allé à l’école et ne comprend pas les discours philosophiques. Bouddha répond que sa Doctrine peut être compris par tous et par toutes et il lui demande de bien écouter. « Voici le Dhamma : Evitez de commettre des actions malfaisantes. Faites le bien autour de vous, menez une vie morale. Purifiez votre esprit. » Ce que dise toutes les religions à l’origine. Une action malfaisante est une action qui blesse autrui. Un action bienfaisante est dénué d’intérêt égoïste, une vie morale assure une vie saine. Purifier son esprit permet de se libérer des conditionnements terrestres et d’atteindre pour certain, « Dieu ».

Si une personne, par exemple, vous porte atteinte par des propos blessant, elle décharge sur vous un fardeau que vous n’avez nul besoin d’accepter. Quelques minutes plus tard cette personne a peut être déjà oublié, mais vous, vous êtes profondément blessé, vous repensez sans cesse à ce qu’elle vous a dit, vous vous refaites même la scène, cela vous perturbe profondément. Et vous vous dites « Je ne suis pas près d’oublier ce qu’elle m’a dit. Je m’en souviendrai toute ma vie. » Vous ne faites dans ce cas là que multiplier votre propre souffrance. Et en produisant de la négativité, vous ne la limitez pas à vous même, quiconque rentre en contact avec vous se sent malheureux, vous partagez cette misère avec votre entourage. Et il se passe sans cesse des choses contraires à nos désirs, ce qui est une source d’irritation. Voilà ce que se plaît à dire Goenka dans ces discours. Il me semble que c’est tout à fait vrai. C’est un exemple de la Loi de la nature.

Le troisième jour, la technique change encore, nous focalisons l’attention sur un triangle, sa base étant au niveau de la lèvre supérieure, et son sommet le haut du nez. Toujours en application avec la respiration, on nous demande de sentir tout se qui se passe dans cette zone. La journée est longue, le travail laborieux, je me consacre un peu plus à ce qui est demandé. Il faut rester concentré, éviter de divaguer. Souvent je me force à compter les respiration pour ne pas perdre le fil. Cependant le cadre et les conditions de vie se prêtent tout à fait au développement de nos capacités. Certains disent que le dhamma aide ceux qui « le pratiquent ». Sila, la moralité, est la base, elle permet le développement de Samadhi, la concentration mentale. Sila et Samadhi se renforcent mutuellement, il en est de même avec Pañña, et les trois s’aident et se renforcent mutuellement.

Pour le discours du soir, je me joint aux participants de langue anglaise, le poste cassette étant indisponible. Je découvre le « gourou » Goenka à travers la vidéo. A première vue, je suis encore très attaché à l’apparence, il n’est pas agréable à voir. Il a des cercles sombres autour des yeux, il a beaucoup d’embonpoint, il me fait penser à un batracien. Mon esprit est entaché de toutes sortes d’impuretés, celle-ci peut être nommée dénigrement ou suffisance.

S.N. Goenka parle Anglais avec un fort accent Indien, parfois c’est incompréhensible. Il évoque ce soir là les 3 catégories de Pañña. Il y a Pañña qui nous est transmise, Pañña que nous comprenons intellectuellement et Pañña, la sagesse que nous expérimentons en nous-mêmes. Citation : “Pañña : La sagesse. La troisième des trois disciplines par lesquelles on pratique l'Octuple Noble Sentier (voir magga). Il y a trois sortes de sagesse : la sagesse reçue (suta-maya pañña), la sagesse intellectuelle (cinta-maya pañña) et la sagesse vécue (bhavana-maya pañña). Seule la dernière peut totalement purifier   l'esprit; elle est cultivée par la pratique de vipassana-bhavana.”  

Il parle aussi d’anicca (le changement, l’impermanence) en prenant l’exemple de ce que nous considérons comme beau. Qu’est ce que la beauté ? Pour nous la beauté est symbolisée par une jeune femme. Cette jeune femme, nous lui disons : « Que tu es belle ! J’aime tes cheveux magnifiques, je t’aime entièrement ! » Nous vivons alors avec cette personne, et un beau matin, dans le bol du petit déjeuner il se trouve un des cheveux de la magnifique chevelure. « Bah ! C’est dégoutant, un cheveux dans mon bol. » « -Comment ça dégoutant, c’est un cheveux de la magnifique chevelure que tu aimes tant, et tu m’aimes entièrement, tu dois le manger ! » De même, qu’est ce que la beauté ? De belles dents blanches...

« Beauty ? What beauty ?! » Le tout avec cet accent Indi, c’est irresistible, nous rions beaucoup de ce que raconte S.N. Goenka.  Goenka ponctue les méditations de groupe en commençant par des chants, et des instructions de méditation, puis les cinq dernières minutes finissent aussi par un chant en Pali.

 

 

   Le silence s’est installé dans le centre. Voilà trois jours passés. Je me dis, et je ne dois pas être le seul, que ces 10 jours vont être longs, toute la journée assis à méditer. Mais demain, nous commençons les choses sérieuses, avec la vipassana.

 

 

 

A suivre.

 

Publié dans Vipassana

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